Culte

La baisse des vocations conduit de plus en plus l'Église catholique à confier les rênes des paroissesà des laïcs. C'est le cas à Marigny, une première dans la Manche.

L'initiative

« Mes gendres m'appellent soeur Odile, ça m'amuse beaucoup ! » Odile Lemoine, 66 ans, tempes grisonnantes et yeux rieurs, a la bonne humeur chevillée au corps. Depuis peu, elle fait tourner la paroisse Saint-Vincent-de-Paul de Marigny, près de Saint-Lô. Un rôle qu'elle prend très à coeur, sans se prendre au sérieux.

Cette retraitée de la Direction départementale de l'agriculture et de la forêt, mariée et mère de quatre enfants, a une longue histoire avec l'Église. « À l'époque, on ne discutait pas. La messe, c'était tous les dimanches. » Elle garde malgré tout de bons souvenirs de cette période, « il y avait un esprit de camaraderie entre les jeunes, on était très soudé ». Jamais pourtant elle n'envisage d'entrer dans les ordres, « une vie très solitaire » qui ne colle pas vraiment avec son caractère. Alors se retrouver aujourd'hui à la tête d'une paroisse de douze clochers, c'est une vraie surprise.

Des prêtres vieillissants

Une paroisse sans curé, cela devient « inévitable » selon Odile Lemoine. « L'exemple de Marigny risque de se répéter. Il n'y a pas d'ordination prévue pour l'année à venir dans la Manche et les prêtres sont vieillissants. Il faut que des laïcs s'investissent. » Un sentiment partagé par le père Jamelot, prêtre modérateur : « Notre institution n'est pas la seule à connaître cela, la Gendarmerie, l'Éducation nationale... Il ne faut pas baisser les bras ! » Quitte à se réinventer.

La mission d'Odile : pallier l'absence du prêtre Cyril Moitié, tombé malade. « Mon rôle premier est de redonner le moral aux troupes ! » Elle doit également s'affairer à des tâches plus administratives : une trentaine de personnes sont sous sa charge, « je coordonne avec le père Jamelot ». Elle s'occupe également de gérer le catéchisme, les préparations au baptême, au mariage, aux obsèques. « Pour les funérailles, la célébration est exactement la même qu'avec un prêtre, sans l'eucharistie. » La messe du dimanche, c'est un prêtre voisin qui la célèbre, avec Odile, à ses côtés.

Le 9 septembre, Odile Lemoine, déjà bénévole au sein de l'équipe d'accompagnement des familles en deuil, a fait sa rentrée en tant que déléguée pastorale. « Quand Mgr l'évêque m'a remis ma lettre de mission, ce fut un choc pour beaucoup de paroissiens. » Pour le père Daniel Jamelot, il y avait pourtant « un vrai consensus autour de sa personnalité ». Sa nomination est d'ailleurs le fruit d'une élection : « Mon nom est sorti de l'équipe d'animation pastorale. J'ai reçu beaucoup de soutiens, mais les gens sont surpris, certains risquent de se détourner, à moi de les agripper », philosophe-t-elle.

Elodie DARDENNE (OUEST FRANCE du 20 septembre 2012)